
L’exposition Les voix basses a été présentée au Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger, de Victoriaville, du 17 février au 27 mars 2021, avec le commissariat de Marie Perrault, commissaire, auteure et éditrice.
L’exposition déployait une sélection de huit œuvres textiles appartenant à la série Susurrantes (2014-2016), les huit gaufrages de la série Ombres (2018), l’installation sonore in situ Les murmures (2021) et Invisible (2021), une intervention réalisée sur le mur de la vitrine qui se trouve à l’extérieur de la salle d’exposition. Des processus performatifs traversent les différentes étapes de création de chacune de ces œuvres.
L’artiste a réalisé dans la salle d’exposition, une résidence de création en deux étapes, du 17 au 20 février et du 24 au 27 mars 2021. Sa table de travail installée dans l’espace amenait son atelier au cœur de la salle. Ceci lui permettait de broder sur place, ainsi que de parler de son travail et d’être à l’écoute des visiteurs. Lors de ces conversations, d’une façon spontanée et généreuse, les visiteurs tissaient leurs lectures des œuvres avec leurs propres histoires et avec des pensées qui les hantaient.
« Artiste d’origine mexicaine habitant les Cantons-de-l’Est depuis 2011, Estela López Solís s’approprie les pensées noires que lui confient les gens lors de performances ou de résidences.
Au centre de l’atmosphère feutrée qui se dégage de la salle, l’artiste brode à la main ces sentences sur des tissus usagés. Aux murs, les oeuvres textiles de la série Susurrantes incarnent une trace de ses rencontres et le geste de broderie évoque la durée d’un moment de partage. Ces gestes discrets réalisés en blanc sur blanc soulignent le caractère introspectif, intime et secret des témoignages qui lui sont livrés. Entre visible et invisible, leur aspect ténu exprime aussi la réminiscence subtile et obstinée de ces pensées qui nous minent, liées aux attentes et aux jugements des autres. L’installation sonore habitant l’espace nous plonge d’ailleurs au cœur de cette litanie opiniâtre.
En contrepoint, les gaufrages de la série Ombres impriment dans la matière même du papier la marque indélébile dont nous affublent les exigences morales que l’on adopte si facilement. « Profiteuse », « ingrate », « impostrice », « mesquine », « ratée » … expriment ces blessures que l’artiste prend sur elle dans son processus de création, comme en témoigne la féminisation des titres. L’installation en vitrine met de l’avant la disparition de notre être derrière ces jugements.
Dans l’intimité de la rencontre, j’ai ressenti de l’apaisement en abandonnant à l’attention de cette artiste, les pensées noires qui m’habitaient, les confiant aux allers-retours de l’aiguille entre ses mains, ou les laissant s’incruster dans la contemplation des œuvres exposées, au rythme de la mélopée hantant la salle. »
Marie Perrault / Commissaire

















EFFACEMENT

En avril 2021, Estela López Solís a réalisé la performance Effacement, dans le cadre d’une collaboration avec l’artiste Barbara Claus, lors de la transition entre leurs expositions respectives Les voix basses et Le gris de l’aube, au Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger.
Dans la vitrine déployant l’œuvre Invisible, de Estela López Solís, Barbara Claus a installé un dictionnaire qu’elle avait intervenu auparavant en biffant des mots reliés aux arts, des livres d’art et la phrase Nous sommes vulnérables formée par des lettres en plâtre. Quelques jours après, Estela López Solís s’est donné à la tâche d’effacer sa propre écriture. Elle raconte ensuite l’action dans leurs correspondances :
« Le graphite a présenté une grande résistance à partir. Les premières lettres, très chargées de matière, sont devenues plus foncées au début de l’effacement. Pour estomper l’écriture, il a fallu du temps et une action réitérée, tel que je la souhaitais : en symétrie avec le temps investi à dessiner. Patrick Beaulieu, Dominique Laquerre, Marie Perrault et Marie V. Laporte ont assisté à l’action. Assisté dans les deux sens du terme : par leurs présences et en apportant des idées quant à la meilleure façon d’effacer. [Elles/Il] ont témoigné des mille dessins apparus avant que le dernier fantôme s’installe. Les résidus de gomme sur le mur – et surtout sur la phrase en plâtre – témoignent de l’action. D’autres résidus ont dessiné une abstraction de tâches sur un tissu blanc à l’origine, celui qui portait déjà la poussière tombée sur mes taies d’oreiller exposées dans Les voix basses. Cet objet repose sur le sol dans la vitrine. Un autre témoin.
Le performatif partait d’une volonté d’effacer, incarnée dans le labeur d’une journée par la répétition des gestes. »
Dans cette œuvre réalisée en collaboration, des écritures, des effacements, des indices, des dévoilements, des résistances, nous tient dans la charnière – du « v » – entre le visible et l’invisible.




L’artiste remercie très particulièrement la commissaire Marie Perrault, pour son soutient et sa collaboration dans les différents aspects et moments du projet. Elle remercie également Dominique Laquerre, directrice du Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger et Marie V. Laporte, médiatrice culturelle, ainsi que toute l’équipe du Centre.
Aussi, elle remercie pour leur participation à la réalisation de l’installation sonore in situ Les murmures (2021), Alex-Ann Boucher (voix et collaboration artistique) et Danys Levasseur (montage audio et spatialisation).
Estela López Solís remercie également le Conseil des arts du Canada de son soutien.
